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Quand la LDH dérape !
23 février 2006

De la caricature à l’impasse, par Michel Tubiana

Dans cet article, Michel Tubiana explique qu'il est pour la liberté d'expression MAIS....

De la caricature à l’impasse, par Michel Tubiana dans Politis

Pour Michel Tubiana*, les réactions à la publication des caricatures du prophète Mahomet montrent que la liberté d’expression, si elle est un principe toujours à réaffirmer, ne peut servir de prétexte à des attaques contre des populations discriminées, pour qui l’islam est un refuge et un mode de résistance.

Des hommes sont morts, des journalistes sont emprisonnés ou sanctionnés, des communautés entières se crispent et se replient sur elles-mêmes ; la publication dans un journal danois de douze caricatures du prophète Mahomet déchaîne les passions et les haines. Voici que nous voyons fleurir d’infâmes caricatures sur la destruction des Juifs d’Europe. Comme si un fait historique pouvait être confondu avec un dogme, comme si caricaturer Mahomet avait un quelconque rapport avec la négation d’un génocide. Nauséabond.

Un des fondements des sociétés démocratiques se trouve dans la liberté d’expression. Cette liberté s’applique non seulement aux informations et aux idées en adéquation avec le sentiment général mais également à celles qui dérangent, voire qui choquent profondément les gouvernements ou telle ou telle partie de la population. Les religions n’échappent pas à cette règle, encore moins dans des sociétés profondément sécularisées qui, à juste titre, refusent d’étendre les interdits d’un dogme au-delà des convictions de chacun. L’islam, comme toute autre religion, doit s’habituer à vivre dans ce contexte. Dans une société apaisée, chacun devrait trouver naturellement les limites au-delà desquelles le propos devient insulte. En dernière instance, le recours, qui doit rester exceptionnel, à la Justice permet de sanctionner les abus avérés.

Tels sont les principes, et rien ne justifie d’y déroger. Mais est-ce seulement cela qui est en jeu dans ce processus infernal ? Les réactions venues d’Europe ou du monde musulman montrent que bien plus est en cause. Si certaines des caricatures sont drôles, d’autres sont de mauvais goût ; celle représentant Mahomet en bombe humaine est effectivement choquante. C’est un sophisme de prétendre que seuls les intégristes peuvent se reconnaître dans ce dessin. On voit mal comment interpréter ce qui est destiné à être compréhensible au premier degré autrement que comme l’assimilation du premier symbole de l’islam au terrorisme. Sans compter le contexte danois où le gouvernement, allié à un parti d’extrême droite, pratique une politique ouvertement xénophobe.

Défendre la liberté d’expression n’implique pas d’abdiquer notre esprit critique quant au sens de ces caricatures. On peut, certes, soutenir que le jugement est libre et qu’il n’est pas interdit de penser qu’une religion (ou les religions) est, par nature, porteuse de violence. Cette forme d’essentialisme a pour corollaire la négation de chaque individu, qui n’est plus alors que le rouage d’un vaste dessein. On sait où mène ce genre de raisonnement. Mais, il est vrai qu’il est de bon ton, en France, sous couvert d’une laïcité détournée de son sens, d’exprimer, au moins inconsciemment, le rejet des musulmans, français ou non, sous couvert d’une critique de l’islam.

L’impunité dont bénéficient les éructations de Philippe de Villiers contre « l’islamisation de la France » trouve aussi sa source dans l’obsession antireligieuse d’un Philippe Val [directeur de Charlie Hebdo, NDLR]. La blessure ressentie par les Européens de confession musulmane et la violence, injustifiable, des réactions dans certains pays arabes trouvent à s’alimenter dans ce mépris et les discriminations dont ils sont victimes.

Ne soyons pas dupes, nombre des manifestations sont le résultat de manipulations de gouvernements arabes qui cherchent par là à se refaire une virginité et à concurrencer les islamistes sur leur terrain. Ceci leur permet, de plus, de réfuter le système démocratique qui permettrait de telles dérives... Il n’empêche : la résonance de ces douze dessins montre que ces populations, qu’elles soient européennes ou non, vivent encore l’islam comme la seule dimension sociale et politique où elles peuvent trouver espoir et réclamer le respect qu’on leur refuse par ailleurs.

La démocratie, les droits de l’homme sont d’autant moins crédibles que leurs porte-drapeaux ne cessent de fouler aux pieds les principes qu’ils proclament. Cela rend encore plus intolérable la commisération affichée des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou du gouvernement français qui, tout en tolérant ou commettant les pires injustices, proclament leur attachement au respect de l’islam pour tenter de calmer la colère de peuples entiers. Le facteur religieux devient alors le rideau derrière lequel on cache les questions politiques. Défendre la portée universelle des valeurs de démocratie et de liberté, c’est offrir aux peuples du monde entier un espoir autre que la caricature destructrice de ces principes.

*Avocat, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme.
http://www.politis.fr/article1618.html

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Commentaires
B
On refait le match.<br /> Je sentais, j'imaginais qu'un jour ou l'autre, le dogmatisme éclairé qui préside aux structures idéologiques de la direction de la Ligue des Droits de l'Homme réapparaitrait d'une manière ou d'une autre.<br /> Hier, la Ligue des Droits de l'Homme répprouvait l'expression critique en son propre sein (cf http://domain39.altern.com/a4468 ). Michel Tubiana, alors président de l'organisation, convoquait les grands principes pour démettre de ses fonctions le modérateur de la liste de diffusion de la LDH. Des militants avaient eu l'outrecuidance de formuler des désaccords sur un outils de communication interne. Michel Tubiana souhaitait qu'un lieu d'échange entre adhérents se perpétue, mais il penchait alors pour "une liste bien contrôlée" (sic). Plusieurs adhérents avaient alors manifesté leur soutien à Philippe Moreau et s'étaient hasardé à pésenter 9 candidats au comité central lors du congrès de Limoges. Nous connaissons l'épilogue : le groupe Rénovation avait réuni 45% des suffrages, deux d'entre nous furent exclus de l'association et les autres poussés vers la sortie.<br /> Aujourd'hui, ressurgit l'intransigence de la haute intelligence qui donne le la de l'Empire du Bien. Concernant les caricatures, la mutation idéologique des pontes de la vieille dame s'offre au grand jour. Cette entreprise omnipotente de l'erradication du mal-penser a de beaux jours devant elle. Evidemment, eut égard à sa propre histoire, la Ligue ne peut pas se présenter encore tout à fait en Comité de Salut Public. Pour cela, les plumes aiguisées se contortionnent en prétendant en quelque sorte défendre une victime absolue (les discriminés) contre une victime de second rang (la liberté d'expression). Seule une étude syntaxique et sémantique précise pourrait révéler ce que ces discours dissimulent sous leurs épanchements de bons sentiments.<br /> Aujourd'hui comme hier, ne pas faire allégeance à cette prose diabolique. La liberté d'expression ne souffre aucune exception, elle est la pépite de nos démocraties, leur condition d'existence même. Chaque entaille, chaque prichrocoline réticence, chaque modération calfeutrée, ouvre la boite de Pandorre d'une de l'ortho-modernité. Emises par une agence officielle du souverain Bien, ces restrictions de la liberté d'expression s'avèrent d'autant plus redoutables, donc léthales. <br /> <br /> Bastien Faudot
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